Camille est capricieuse
(extrait)
J’attends avec impatience que Cathy et Camille rentrent. Elles sont chez le Docteur Dufour. J’ai été retardé par une réunion imprévue. Du coup, c’est ma femme qui a emmené notre fille chez l’ophtalmologue.
Coline est avec elles aussi. Elle n’a pas voulu rester seule en m’attendant. Je crois qu’elle comprend que sa sœur ne va pas bien. Mais tout comme nous, elle ne peut pas placer de mot sur ce qu’elle a.
Je viens juste d’arriver. Et maintenant, je suis là, à me morfondre en attendant qu’elles rentrent. J’ai hâte de savoir ce qu’aura dit l’ophtalmo ! Aura-t-il pu déceler autre chose ?
J’aurais pu les rejoindre là-bas, mais je n’ai pas voulu prendre le risque que l’on se croise. Et puis, ce n’est qu’un examen. Un simple examen.
Non ?
Ce médecin me suit depuis si longtemps qu’une relation d’amitié s’est instaurée au fil des consultations. J’ai une entière confiance en lui. Je ne suis pas qu’un simple numéro de client et ça, c’est rassurant.
J’espère qu’il aura pu définir cette fois ce qui gêne Camille. Tout le monde nous renvoie vers l’ophtalmo, qui nous envoie vers l’orthoptiste.
On tourne en rond. Ça devient absurde !
J’en prends conscience alors que j’attends les filles et Cathy. Mes trois merveilles.
Je serais incapable de dire combien de temps je suis resté là. Pas longtemps. Ou pas. En fait, l’angoisse de l’attente me fait perdre toute notion du temps. Les trois femmes de ma vie ne sont pas là et je m’inquiète.
J’ai allumé la télévision, mais impossible de dire de quoi parlent ces gens. Un débat. OK. Mais tant qu’ils ne me disent pas comment va ma fille, que ses migraines ne sont rien d’autre que de la fatigue, oculaire ou pas, je me fiche de ce qu’ils peuvent raconter.
Je zappe. Je m’arrête enfin sur une chaine musicale. Voilà. Très bien.
Enfin, j’entends des pas dans les escaliers. Puis les filles qui discutent. La porte s’ouvre alors sur elles. Elles courent immédiatement vers moi.
— Le Docteur Dufour m’a dit que je n’avais rien ! me dit Camille. Ma vue n’a pas changé !
— Il dit aussi que tu n’es pas sérieuse dans tes exercices avec l’orthoptiste, coupe Cathy.
— C’est pas vrai !
— Camille… On en a déjà parlé !
— Mais maman !
Je crois que c’est le moment où je dois intervenir.
— Camille, dis-je d’une voix autoritaire, il serait temps que tu arrêtes tes caprices. Que tu aies mal à la tête, je peux le croire. Mais je pense aussi que tu en profites un peu trop. L’ophtalmo dit que tout va bien. Quelle autre explication pourrais-tu nous donner ?
— J’en ai pas, répond Camille sèchement. Vous me croyez pas, mais je m’en fous ! De toute manière, vous m’écoutez pas. Vous vous fichez pas mal de ce que je ressens !
Elle tourne le dos et s’en va. Cathy et moi nous retrouvons comme deux… Bref. Ce petit bout de dix ans vient de nous planter, là, comme ça. En d’autres circonstances, j’aurais trouvé cela très drôle.