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Image de nadi borodina

Texte du lundi

Chez le psy...

— Racontez-moi ce rêve qui vous dérange tant.

Je baisse le regard.

— C’est… Je me promenais en forêt…

Ouais, le genre de chose que tu fais tous les jours !

Pourquoi une forêt, d’ailleurs ? Tu n’aurais pas pu aller à la plage ?

Faire du shopping ?

Ou rester dans ton canapé à boire un café ?

Près d’une cheminée avec un bon chocolat chaud…

— Tout va bien ?

Mince ! J’ai encore eu une absence à cause… d’elles…

— Vous entendez toujours les voix ?

Mais bien sûr que non !

Elle ne peut pas nous entendre, nous sommes juste ses pensées. C’est lui qui l’a dit.

Oui, les désirs refoulés au fond de l’inconscient.

Dis-lui que ne nous entend pas. Il va encore te coller des tas de médocs.

Pour le coup, cette petite voix n’a pas tort. Les médicaments m’assomment, me rendent apathique.

— Non… C’est juste que je cherche comment exprimer les choses.

— Laissez-les venir telles quelles.

— D’accord. Alors, je suis en forêt, je me promène. J’avance lentement, profitant des senteurs humides. Les sons qui m’entourent ne me sont pas familiers. Certains bruissements me font peur.

— Peur comment ? Un sentiment d’insécurité ou de la terreur ?

— Insécurité. J’ai l’impression que quelque chose me suit.

— Intéressant.

Le psy griffonne sur son carnet tout en m’écoutant.

— C’est alors que j’entends un grognement.

Tu parles ! C’était juste le vent dans les feuilles !

Le glissement d’un serpent dans l’herbe…

Bravo ! C’est sûr que c’est rassurant, ça !

OK. Concrètement, c’est ton ventre qui se rappelle à ton bon souvenir. Depuis combien de temps n’as-tu rien avalé ?

(rires)

— Je me mets à courir. Je ne veux même pas savoir de quel animal il s’agit ! Je veux m’éloigner. Je cours. Je cours. Jusqu’à ce que je tombe.

Étonnant que ça ne soit pas arrivé plus tôt !

Ouais ! Réaction catastrophique entraînant des réactions en chaine.

Trop prévisible. Comme dans les films de seconde zone.

Une chance qu’il n’y ait pas d’escalier et de salle de bains ! C’est toujours là où vont les filles terrorisées. Comme si une baignoire pouvait les sauver !

— Quand je relève la tête, je suis au bord d’une rivière. Il fait noir, comme si la nuit était tombée d’un coup. Des petites lumières virevoltent tout autour de moi. J’entends des petits rires aussi. Je me relève lentement, les lumières toujours près de moi. Alors que j’essaye d’avancer, j’aperçois une lumière plus vive sous une souche. Celle-ci a la forme d’un pont. C’est stupide, hein ?

Le psy secoue la tête.

— Non, ce n’est pas stupide. Nos rêves nous transmettent des messages. Il nous appartient de les comprendre. Continuez. Parlez-moi de cette souche.

— Plus je m’en approche, plus elle parait grande. Les lumières semblent vivantes. J’ai l’impression de voir des ailes. Et je comprends maintenant ce qu’elles disent. Ce chuintement permanent est devenu un murmure : viens ! viens ! dit-il. Et la souche devient si grande qu’elle ressemble à présent à un immense portail. J’admire le scintillement nacré. C’est magnifique. Apaisant. Et les lumières me disent toujours : viens ! viens ! Elles traversent les unes derrière les autres cette porte surnaturelle. Quelque chose me pousse à les suivre. J’ai envie de voir de l’autre côté. Alors, je franchis à mon tour ce portail. La lumière est douce, les bruits sont semblables à de la musique. Les couleurs… c’est tellement beau ! Partout, des petites fées volent, jouent. Des rires résonnent.

Le psy prend des notes en silence. J’avale quelques gorgées du verre d’eau posé à mon attention.

— Je n’ai pas parlé de l’odeur. C’est mon parfum préféré. Il m’enveloppe. Je suis bien dans cet endroit. Le monde des fées. Je n’ai jamais cru à ces histoires, mais là, je le vis vraiment. C’est magnifique. Je me sens si bien ! Une sérénité que je ne me souviens pas d’avoir jamais ressentie. Et les fées ! Je les vois bien, à présent. Elles grandissent pour avoir ma taille. Ou est-ce moi qui rapetisse. Ensuite, les fées et moi jouons à toutes sortes de jeux. Le temps ne semble plus avoir cours. La faim, la soif et le sommeil n’ont pas d’emprise sur moi non plus.

L’expression du médecin m’inquiète. Il va encore me prescrire les médicaments qui me rendent malade. Je sais pourtant que je dois m’abstenir de raconter certaines choses !

Toi ? T’abstenir ?

Sérieux ? Tu ne sais pas te taire !

Sauf quand tu dors.

Ouais, vas-y continue. Il va te prescrire des somnifères. Ça nous fera des vacances.

(rires)

— Ce rêve est plein de messages. Si vous le souhaitez, nous l’analyserons au cours de notre prochaine séance.

Quoi ? Pas de médoc ?

Ah ! Mais non ! Réclame-lui la dope !

Non ! Pas de médicaments ! Ça nous rend amorphe !

Mais, au moins, elle arrêtera de penser !

— Tout va bien ?

Maudites voix.

— Oui. Oui. Ça va. Je suis juste fatiguée.

— On se revoit la semaine prochaine. Même jour. Même heure. En attendant, reposez-vous.

Super.

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